L'OMBRE d'OR

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Costa Rica

Le Costa Rica est l’endroit du monde ayant la plus grande biodiversité au kilomètre carré. En effet, son territoire abrite plus de 500 000 espèces vivantes, qui représentent environ 6% de la biodiversité mondiale répartie sur une zone de seulement 51 000 km², soit  ¹⁄10  de la France métropolitaine ou 0.03% de la surface de la Terre.

Si le Costa Rica est unique en son genre, la péninsule d’Osa l’est encore plus. Étant l’une des régions les plus sauvages et les plus intactes de la planète, elle est un concentré de biodiversité exceptionnel. Ses forêts primaires regorgent d’espèces en tout genre, aux formes et couleurs défiant l’imagination. Une zone ayant l’un des plus grands potentiels pour la conservation en Amérique centrale et qui représente à elle seule 3% de la biodiversité mondiale !

La cordillère de Talamanca est la plus élevée et la plus vaste des chaînes montagneuses du Costa Rica, s'étendant jusqu'à l'ouest du Panama. En plus d’abriter des écosystèmes et une biodiversité uniques de haute altitude, cette zone est également habitée par une population significative de jaguars, dont plusieurs individus mélaniques.

Cordillère de Talamanca
Péninsule d'Osa

Le Jaguar

Le jaguar (Panthera onca) est le plus grand félin d’Amérique, mais en raison de sa nature insaisissable, il reste l'un des moins connus. Excellent grimpeur et nageur, ce fauve passe la plupart de son temps caché au fin fond de la forêt tropicale. Actif de jour comme de nuit, il se sert de sa fourrure tachetée comme camouflage pour traquer ses cibles sans être détecté. Avec la mâchoire la plus puissante de tous les carnivores, il utilise une technique de chasse unique, perforant le crâne de ses proies afin de les tuer instantanément.

En tant que superprédateur, il se situe au sommet de la chaîne alimentaire, jouant un rôle de régulateur empêchant la prolifération de ses proies et maintenant ainsi tout un écosystème en équilibre. De plus, il s'agit d'une "espèce parapluie", ce qui signifie que ses besoins incluent ceux de nombreuses autres espèces. Son développement nécessitant un environnement parfaitement sain, sa protection entraîne nécessairement celle de la totalité de l’écosystème dont il fait partie.

La péninsule d'Osa, autrefois largement peuplée de jaguars, était considérée comme l’un des meilleurs lieux pour leur observation. Mais le privilège de les apercevoir directement est devenu extrêmement rare. Seuls quelques individus subsistent, repérés à leurs empreintes et détectés par des pièges photographiques.

Depuis la colonisation et en particulier durant la période 1960-1970 (où l’on estime que 18 000 d’entre eux ont été tués chaque année en raison du commerce de leur peau), les jaguars ont perdu plus de 46% de leur territoire d’origine et l’effectif de leur population a chuté de moitié, menaçant la survie de l'espèce, particulièrement en Amérique centrale. Selon les périodes et les régions, les raisons de leur déclin diffèrent :

- Persécution directe comme le braconnage pour leur peau, trophée, canines, viande à des fins "médicinales", mais aussi revente aux zoos et collectionneurs privés, chasse sportive ou encore protection du bétail.
- Facteurs indirects : transformation et fragmentation de leur territoire par la déforestation, l’agriculture, l’urbanisation, affaiblissement génétique dû à l'isolement géographique, ainsi que la chasse de leurs proies pour alimenter le marché noir de viande de brousse.

Pourtant, la situation n’est pas irrémédiable. La majeure partie de la péninsule d'Osa est encore recouverte d'une forêt tropicale intacte et une prise de conscience pour sa conservation voit le jour peu à peu. C’est donc un des derniers espaces naturels que les jaguars peuvent reconquérir, une zone clé qui serait très favorable à la survie de l’espèce en Amérique centrale. La préservation des derniers jaguars est un argument majeur pour justifier la nécessité de créer des corridors biologiques entre des aires déjà protégées, devenant ainsi un modèle de conservation interconnectée.

Le projet

L'Ombre d'or est construit autour de la traque des derniers jaguars d'Osa et de l'ambition de tous les photographier de la manière la plus esthétique possible. Afin de montrer les différents visages de la péninsule d'Osa, le processus artistique a été pensé comme plusieurs scénarios se déroulant dans les différents écosystèmes de ce paradis tropical. De par sa dimension immersive, cette œuvre aspire à transporter le spectateur de l'autre côté de ces cadres sauvages afin de créer une reconnexion avec le monde vivant.

Le projet s'articule autour de 3 dimensions :

Camera trap
Affiche jaguar Tico Haroutiounian

Comme trouver un jaguar n'est pas une tâche facile, il est essentiel de comprendre comment cette créature invisible se déplace et ce qu'elle recherche. Au-delà du travail de terrain et des connaissances scientifiques, c'est l'intuition qui est la clé de cette traque. Penser comme un jaguar peut amener à trouver son chemin. Une fois celui-ci découvert, un studio photographique autonome y est installé et est déclenché au passage des animaux. Obtenir la photographie rêvée est dès lors une question de persévérance de temps et de chance.

Une histoire de patience

Dans la nature, les choses se passent rarement comme prévu. S’il est extrêmement difficile de photographier un jaguar, il l’est encore plus d’obtenir le résultat espéré. Les étapes pour y parvenir sont compliquées, risquées, longues, techniques, et seul un effort sans relâche ainsi qu’une grande patience permettent d’y parvenir :

1

Trouver un cadre esthétique où le jaguar passe régulièrement :
Cette phase de repérage prend généralement plusieurs mois et nécessite des moyens matériels et humains considérables afin d’explorer des zones reculées, de sélectionner des lieux stratégiques et d’y installer des camera traps en espérant qu'un jaguar apparaisse.

2

S’assurer qu’il n’y a pas de passage de braconniers ou d’orpailleurs :
Ces activités étants illégales, il est fréquent que des malfaiteurs cherchent à détruire le matériel afin d’éliminer des images compromettantes. Une période d’observation est donc toujours respectée afin de diminuer les risques.

3

Installer le studio :
Une fois un lieu validé, place au déploiement du studio photographique autonome. Celui-ci est composé d’un appareil photo de très haute définition placé dans un caisson étanche, de plusieurs flashs, de détecteurs de mouvement, et est actif 24h/24.

4

Photographier le jaguar dans la bonne position, le bon sens, au bon endroit et au bon moment :
Cette étape est la plus longue et la plus incertaine de toutes. Des milliers d’images, la plupart inexploitables, sont prises au fil du temps avant de parvenir un jour, au résultat final.

Distinguer les jaguars

Être capable de différencier les jaguars les uns des autres permet de les identifier en tant qu'individus, d’estimer leur nombre, de suivre leurs déplacements au fil du temps et de connaître leur état de santé.

Il existe plusieurs techniques permettant d’y parvenir :

La reconnaissance par les taches :
Comparaison de la disposition et de la forme des taches qui sont propres à la robe de chaque jaguar.

La reconnaissance par les marques de vie :
Queue cassée, oreille coupée, membre manquant, œil crevé, cicatrice, handicap, coloration particulière, etc.

La reconnaissance génétique:
Collecte d’excréments et de poils sur le terrain ou encore prise de sang ou test salivaire lors de la capture d’un individu.

La reconnaissance par les taches (aussi appelées rosettes) est la plus utilisée car elle est applicable pour les individus ne présentant pas de marques de vie et ne nécessite pas de contact direct avec l’animal. Prenons l’exemple de Shāhdosa, un mâle adulte qui n’a jamais été capturé et ne présente pas de marques de vie particulières, dont le suivi a été possible grâce à la reconnaissance de ses taches. L’une d’elles, en forme de «S», située sur son flanc droit, est facilement identifiable. ll est important de préciser que les motifs ornant les deux côtés du pelage ne sont pas symétriques.

Impact

En photographiant le fauve le plus impressionnant d'Amérique, l'objectif est de créer un impact émotionnel destiné à changer la perception de chacun sur la façon dont la vie sauvage est liée à notre environnement. Tout comme les forêts primaires vieilles comme le monde, le jaguar est l'incarnation de la rareté, du mystère, de la beauté et de l'imprévisibilité faisant de lui le plus remarquable des ambassadeurs.

L'Ombre d'or vise à établir un lien entre les humains vivant déconnectés de la nature, concentrés sur leur quotidien, et le monde sauvage avec l'art comme porte d'entrée. Il est essentiel de toucher un maximum de personnes, des acteurs locaux vivant à quelques mètres de la forêt, aux populations urbaines via les réseaux sociaux, afin de déclencher une prise de conscience et d'initier des changements significatifs et positifs sur le long terme.

2022 marque la création de Sauvage, une association dont l'ambition est de financer nos initiatives de conservation autour du jaguar au Costa Rica.

La prochaine étape est la création d'une réserve naturelle qui sanctuarisera le principal point de passage de jaguars de la péninsule d'Osa et sa biodiversité. Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site de Las Oncas.

Contribution scientifique

En plus de sensibiliser à la conservation, Tico's Wild Studio est devenu un acteur majeur concernant le suivi des jaguars au Costa Rica, alimentant de nombreuses études et articles grâce aux données fournies aux scientifiques et biologistes.

OEuvres

Une fois la scène tant attendue immortalisée, le but est atteint. Chacune de ces photographies est un nouveau chapitre de cette odyssée et raconte une partie de l'histoire de la péninsule d'Osa, faisant de L'Ombre d'or un hommage artistique aux jaguars et à leur habitat naturel.

Le cadre, dont tous les éléments sont importés du Costa Rica, fait partie intégrante de l'œuvre. Le bois est teinté de noir pour symboliser le néant vers lequel le monde sauvage est emporté. L'or représente le fil de vie et l'espoir qui subsiste, incarné par le jaguar.

avenue jaguar

Ce lieu, tenu secret, se trouve en haut d’une montagne inaccessible et oubliée de la péninsule d’Osa. La jungle qui la recouvre appartient à un écosystème rarissime : les forêts de nuages de basse altitude. Attirés par sa couverture forestière, sa topographie et son isolement, plusieurs jaguars empruntent ce passage comme une voie par laquelle ils transitent régulièrement. C’est ainsi que son nom s’est imposé. Dense et impénétrable, l’avenue Jaguar ne cesse de surprendre et dévoile ses mystères au fil du temps.

Comme s’il savait qu’il était attendu, il apparaît finalement, porté par la brume, aux premières lueurs du jour. Sa gueule balafrée montre les cicatrices de son histoire. Sûr de lui, il avance d’un pas déterminé vers son futur. Ce maître du temps vient de figer ce moment pour l’éternité, devenant, d’une certaine manière, immortel.

« Le jaguar est le plus beau de tous les ambassadeurs. »